Le colombier du château de Cheverny |
Le terme de “colombier” a été réservé aux
constructions importantes abritant un grand nombre de cases (ou boulins)
pouvant aller jusqu’à 1 500, voire plus, les constructions plus petites prenant
le nom de “fuie”, du nom d’une espèce de petits pigeons appellés “fuyards”.
Les boulins au nombre de...? (réponse dans cet article) |
La
forme ronde facilitait l’accès aux boulins car l’échelle pivotait sur un pivot
central (Villesavin possède toujours son échelle qui n’existe plus à Cheverny).
Au Moyen-âge, selon madame Tissier de Mallerais, l’élevage des pigeons est
devenu progressivement une source de revenu non négligeable et le rôle des
pigeons dans l’alimentation fût même considérable. La table royale, en
particulier, en faisait une énorme consommation(1).
Compte tenu des ravages qu’ils pouvaient causer aux récoltes, les
pigeons étaient enfermés pendant la période des semailles et des moissons, mais
ces précautions n’étaient pas toujours respectées, ce qui provoquait souvent la
colère des agriculteurs.
Le droit de construire des colombiers était réglementé
et réservé :
- sur le plan du droit coutumier : sous l’ancien régime, au Moyen-âge et jusqu’à la révolution, être grand propriétaire se concrétisait par un certain prestige auquel étaient attachés certains droits ou privilèges nobiliaires dont celui de “colombage”. Le droit de posséder un colombier était exclusivement réservé, en principe, aux seigneurs hauts justiciers (une douzaine seulement en Sologne). L’article 168 de La Coutume du duché d’Orléans stipulait : “Le seigneur haut justicier qui a censives peut avoir colombier à pied ayant boulins jusqu’au rez-de-chaussée, et le seigneur non haut justicier ayant fief, censives (2) et terres labourables en domaine jusqu’à cent arpents (3)… peut avoir colombier à pied ; celui qui a cent arpents de terres labourables peut faire en ses héritages aux champs une volière à pigeons jusqu’à 200 boulins et sans trappe“. (La coutume blésoise réduisait de moitié le chiffre ci-dessus. En ce qui concerne les “roturiers” qui ne possédaient pas de terre, ils pouvaient élever des pigeons à condition qu’ils les enferment dans des volières closes, de façon à ce qu’ils ne causent pas de dommage. Les seigneurs non hauts justiciers (les seigneurs campagnards) devaient donc remplir trois conditions cumulatives. En outre, celui qui possédait plus de cent arpents de terres labourables pouvait avoir plus de boulins à proportion, c’est à dire deux fois autant de boulins que d’arpents. Pour ceux-ci, le droit coutumier se résumait donc à la possibilité d’avoir des pigeons à charge de les nourrir sur leur propriété. Le nombre de boulins permettait aussi de se rendre compte de l’étendue des propriétés au moment de la construction. Voici deux exemples des environs : - Château de la Basme à Couddes 1 700 boulins - Château de Villesavin 1 500 boulins (plus un colombier de 1 000 boulins qui a été détruit).
- sur le plan juridique : Le droit de colombier était traité comme étant de la même nature que le droit de chasse. Isabelle Guérin (4), précise à ce sujet : “Dans une certaine mesure, les colombiers pouvaient être considérés comme des garennes fermées ; ils étaient assez rares en Sologne…Toutes ces garennes constituaient un véritable élevage de gibier qui n’allait pas sans causer quelques préjudices aux champs et aux récoltes voisines”.
Les juristes de l’ancien régime étaient, eux, divisés sur le
point de savoir si le droit de colombage avait réellement le caractère d’une
prérogative seigneuriale et aristocratique ou n’était pas, au contraire, une
faculté du droit commun appartenant indistinctement à tous les propriétaires
fonciers. Le 18ème siècle ne verra
que peu de constructions de pigeonniers (ce terme a remplacé celui de colombier
à la fin du siècle), et c’est à la Révolution, lors de la grande exécution des
droits féodaux intervenue dans la nuit du 4 août 1789 que le droit exclusif de fuye
et de colombier a été aboli. L’élevage des pigeons étant devenu
libre, il ne possédait plus le même attrait et au cours du 19ème siècle, les propriétaires
terriens s’attachèrent à mettre leurs terres en valeur (marnage, plantation de
résineux, etc.) ce qui nécessita de gros investissements. Ainsi, seules
quelques fuies furent encore construites après la révolution.
Le colombier du château de Cheverny comporte... 1300 boulins !!!
Voir l’étude de Pierre Villedieu “Les colombiers de Sologne au cours des siècles”
(1) Connaissance du Monde, n° 114, mai 1968.
(2) Fond qu’un seigneur de fief a
concédé contre le paiement perpétuel d’un “cens”
(3) Un arpent valait environ un demi
hectare (variable selon les régions)
(4) La vie rurale en Sologne aux XIVe et XVe siècles par Isabelle Guérin
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