Les puits de Cheverny et Cour-Cheverny

Petits ouvrages d’art, grande utilité

L’eau : une richesse
Les puits de Cheverny et Cour-Cheverny
L’eau, si précieuse aujourd’hui, indispensable à toute vie sur terre, guida depuis toujours l’espèce humaine dans ses errances.

Tout d’abord, nos ancêtres préhistoriques s’installèrent au bord des lacs, des rivières voire même auprès de sources naturelles. Aujourd’hui, les homo-sapiens que nous sommes avons aussi installé nos hameaux, nos villages et nos villes près de ressources en eau significatives.
Cependant, la sédentarisation, corollaire du développement de l’agriculture, nous amena à un éloignement de plus en plus important de ces points d’eau naturels. Par ailleurs, étant plus regardants à la qualité de l’eau, nos proches ancêtres ont découvert qu’en creusant le sol sur quelques mètres, voire quelques dizaines de mètres, on pouvait y trouver de l’eau. Celleci était souvent bien plus propre que celle des rivières et autres points d’eau sus-nommés (les polluants n’étaient pas encore utilisés…).
L’ère des puisatiers était venue
Armés de la baguette de noisetier, de la tringle métallique ou du simple « pifomètre de précision », ces spécialistes désignaient l’emplacement idéal et parfois même la profondeur où on était susceptible de trouver le précieux liquide. On a creusé à tour de bras, il s’agissait d’un travail pénible et dangereux. Dans certaines régions, il fallait percer la roche pour accéder à une nappe significative. De ce fait, et vu le coût de ces ouvrages, souvent un seul puits était creusé pour un hameau entier (puits communal, financé par la communauté). Dans d’autres cas, il s’agissait d’un puits partagé entre quelques maisons. Enfin, certaines maisons isolées bénéficiaient d’un puits personnel.
Les puits de Cheverny et Cour-Cheverny

Des ouvrages d’art à part entière
On trouve dans la plupart des châteaux des puits imposants ; de par leur profondeur, leur débit, la taille de la margelle ou l’importance de la maçonnerie de protection. Mais des puits plus modestes présentent aussi des systèmes de protection maçonnés, parfois sophistiqués, ressemblant à une vraie petite maison équipée d’une porte. Une grille métallique ou en bois en interdit l’accès prévenant les risques de chutes accidentelles d’êtres humains ou d’animaux (oiseaux, chien ou le chat de la voisine…) et déchets de toute nature.
Les systèmes de puisage de l’eau sont souvent identiques, il s’agit la plupart du temps d’un treuil mis en mouvement par une manivelle, parfois double. Une chaîne ou un câble remonte un seau en zinc en s’enroulant sur un touret de bois. Celui-ci est souvent constitué d’un petit tronc de chêne de 15 à 20 cm de diamètre. Un autre système plus archaïque consistait à remonter le seau en faisant passer la chaîne ou la corde par une poulie, parfois en bois, parfois en métal. Dans ce cas, la force physique était plus sollicitée. Certaines protections ne présentent qu’un simple toit de zinc posé sur une armature métallique qui supporte également le treuil. Dans ces cas, une tôle amovible en guise de couvercle obstrue l’ouverture du puits en reposant sur la margelle. Ce couvercle est parfois sécurisé par un système permettant la pose d’un cadenas.
Les puits de Cheverny et Cour-Cheverny
Certains puits ne sont plus utilisés mais demeurent en décoration ou en témoignage d’une époque révolue, d’autres sont équipés d’une pompe immergée, souvent utilisés pour l’arrosage, d’autres encore avaient été transformés, puis équipés d’une pompe à balancier avec système à double clapet.

La corvée de l’eau
Ces puits sont encore bien présents sur nos deux communes, parfois visibles du domaine public, parfois discrets, cachés au fond d’une cour, ou accolés à un bâtiment. C’était souvent une corvée que d’aller puiser quelques seaux d’eau au puits, surtout lorsqu’il était assez éloigné de la maison.
Je dois relater ici une anecdote qui m’avait marqué alors que j’étais enfant : « En vacances pour quelques jours chez mon oncle, alors que je l’accompagnais au puits pour la corvée d’eau, je le revois encore laissant descendre le seau dans ce puits si profond qu’on ne voyait pas l’eau. La descente du seau se faisait alors par gravité, sans tourner la manivelle. Cependant, afin de contrôler la vitesse de descente du seau qui augmentait avec le poids de la chaîne, mon oncle appuyait de sa grosse main calleuse sur le bois du treuil. Ce geste, il l’avait répété si souvent, que l’emplacement du ’’frein’’ en était devenu tout lisse et patiné ».
Les puits de Cheverny et Cour-Cheverny
Aujourd’hui, les adductions d’eau potable distribuent cet élément indispensable dans chaque maison (ou presque) et cela paraît normal à tout un chacun. Cependant, qu’il nous soit permis de méditer quand nous voyons des peuplades sahéliennes où les femmes parcourent plusieurs kilomètres pour ramener quelques bidons d’eau jaunâtre dans leur foyer. Nous réalisons alors à quel point la nature nous a gâtés et qu’il est grand temps de s’en préoccuper. En ces temps de restriction, où le climat balbutie, la présence de ces puits pourrait devenir une richesse, ou tout au moins un appoint à nos besoins en eau.

De l’eau en sous-sol, un autre liquide en surface
Les puits de Cheverny et Cour-Cheverny
Par ailleurs, nous réalisons combien nous sommes privilégiés sur nos deux communes. En effet, si l’eau qui alimente nos puits coule en profondeur, en surface, la vigne très présente aussi, va puiser par ses profondes racines les éléments indispensables à sa vie. Alors, ses fruits, transformés par l’art du vigneron deviendront un autre breuvage (à consommer avec modération) qui a pour nom : Gamay, Pinot, Sauvignon ou Romorantin. Mais, ne nous laissons pas griser (…) par ces noms charmeurs ; même si apprécié par beaucoup, ce breuvage ne remplacera jamais l’eau, qu’elle soit issue de nos puits ou du robinet de la cuisine.

Un patrimoine digne d’intérêt
Lorsque vous parcourrez nos hameaux et nos campagnes, regardez attentivement ce petit patrimoine bâti que constituent ces quelques puits rescapés. Ils ont été pendant des siècles un élément vital de la vie en milieu rural comme en milieu urbain. Certains étaient plus fonctionnels, mais tous ont un caractère esthétique indéniable comme vous pouvez en juger par ces quelques photos les immortalisant. Prenons-en soin.

Les puits de Cheverny et Cour-Cheverny

Les puits de Cheverny et Cour-Cheverny

Les puits de Cheverny et Cour-Cheverny




Michel Bourgeois

La Grenouille n°60 - juillet 2023

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Merci de nous donner votre avis sur cet article, de nous transmettre un complément d'information ou de nous suggérer une correction à y apporter